La fosse de Coulmier-le-Sec

Au point le plus élevé du territoire de Coulmier-le-Sec (343m), à 1400m. au sud-est du village, dans un creux du plateau, au lieu dit le Haut des Roches, la présence d’un vaste et bassin (9,80 m de diamètre, 4,50m de profondeur) soigneusement appareillé, auquel donne accès un escalier tournant, et d’un puits (à sec !) couvert d’une voute en pierres savamment taillées, a depuis longtemps suscité interrogations et tentatives d’explication, mais aussi, hélas, la curiosité destructrice de vandales. Des recherches aux Archives départementales en vue de la constitution d’un dossier de restauration, ont récemment permis de dater cet ensemble et d’en identifier les commanditaires et le bâtisseur.

Dans ce village sans cours d’eau, l’approvisionnement des habitants et du bétail était assuré par les citernes alimentées par l’eau de pluie ruisselant des toitures, qui accompagnaient la plupart des maisons, et par une dizaine de mares, au sol maçonné et jointoyé,  recueillant, elles aussi, l’eau de ruissellement,  lesquelles étaient réparties dans tout le finage.

Coulmier était vers 1730 un village assez prospère, qui comptait environ 300 habitants et avait su conserver ses bois communaux (400 arpents), dont l’exploitation, contrôlée par la maîtrise des eaux et forêts, procurait à la commune, administrée par deux prudhommes ou maires, de solides revenus. Ce sont ces habitants, peut-être soutenus par les nombreux propriétaires forains soucieux de bien gérer leurs domaines, qui prirent en 1729 l’initiative de faire construire fosse et puits en ce point élevé du territoire,  où ont été relevés des traces d’une très ancienne occupation (tessons de céramique non datés, lingot de fonte de l’époque hallstatt).

On ignore actuellement quel fut l’architecte désigné par l’intendant, mais un procès-verbal de visite des travaux, établi en juillet 1734 par deux experts, commis respectivement par les habitants et l’entrepreneur qui les avait réalisés,  permet d’identifier ce dernier. Il s’agit d’Antoine Febvre, marchand à Chemin d’Aisey, qui était fils d’Abraham Febvre, maître de forge de Chamesson et possédait lui-même des terres à Coulmier, héritées de sa mère ou acquises par lui, qui apparaissait ainsi comme l’un des principaux propriétaires forains.  Ce personnage avait compté, en 1727, parmi les auteurs de l’enlèvement de pierres de l’ancien château d’Aisey et avait été en 1732 adjudicataire de travaux pour la commune de Brémur-et-Vaurois, qu’il avait d’ailleurs sous-traités. Des recherches ultérieures devraient permettre de retrouver sa trace en d’autres lieux.  Notons seulement qu’il descendait de l’une de ces lignées de maîtres de forges champenois venus s’établir en chatillonnais à la fin du XVIIe siècle, lesquels avaient su bâtir ces savants et massifs haut-fourneaux qui en ponctuaient désormais le paysage.

Les travaux qui lui avaient été adjugés à Coulmier concernaient également l’église. Tout n’était pas réglé lorsqu’il mourut, à une date encore inconnue : en 1740 sa veuve, Edme Rougeot,  réclamait encore son dû aux habitants.

Au cours des décennies suivantes furent installés autour de la Fosse de petit lavoirs en pierre, monolithiques, que les habitants souhaitèrent, en 1788, voir abrités sous une halle qui semble n’avoir pas été construite. Il en reste au moins deux sur place, un autre étant devenu bac à fleurs sur la place du village, parmi des lavoirs plus récents dont l’origine n’est pas connue.

Actuellement le puits, doté des vestiges de système de levage,  est totalement à sec et le niveau de l’eau dans la Fosse dépasse rarement, en temps de fortes pluies, 1 mètre. Mais il n’en était pas ainsi jadis : une pauvre femme s’est noyée dans le puits quelques jours après la visite des experts, en aout 1734, et les anciens du village témoignent avoir vu de l’eau jusqu’en haut des marches tandis que les femmes venait laver leur linge dans les petits lavoirs. Les labours profonds aux alentours et la destruction du revêtement du fond de la Fosse consécutive  à la chute des élégants chaperons en forme de chapeau de gendarme, basculés  par des vandales, ont désorganisé depuis une cinquantaine d’années le fonctionnement de ce dispositif, encore mystérieux, que sa restauration devrait permettre de mieux comprendre.

Une autre fosse, d’un type voisin, de construction plus rustique et plus récente, subsiste sur le territoire de la commune de Nesle-et-Massoult.

Une fosse de même type, de moindres dimensions (6m de diamètre, 6m environ de profondeur) avec escalier tournant, existe à Marcilhac-sur-Célé (Lot). Non datée, elle est connue sous le nom de « puits romain »,… comme le fut naguère celle de  Coulmier, en 1999, lorsque l’étude en fut confiée à M.Benoit Delarozière…

Des fosses de ce type, avec escalier pour descendre y puiser l’eau, existent en Chine et en Afrique…..

Une souscription est ouverte par la Fondation du patrimoine pour aider la commune à en financer la restauration (www.fondation-patrimoine.org).

Françoise Vignier